Blade Runner, 50 ans de pure science-fiction

Du roman « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » à Blade Runner 2049, l’univers de Philip K. Dick s’inscrit comme un monument de la science-fiction. Entre livre, films et jeux vidéos : retour sur une saga intemporelle jalonnée d’œuvres marquantes depuis plus de 50 ans.

Les films et le livre de Blade Runner

Pour tout vous dire, l’univers de Blade Runner est l’un de mes préférés. Son esthétique, ses personnages, ses questionnements… Tout y est excellent. Le livre fait voyager, les films font rêver et le jeu révolutionnait en son temps la manière d’imaginer l’amusement. Une saga sans fausses notes ou presque, devenue culte à raison et qui reste d’actualité plus de 50 ans après la sortie du livre original.

De quoi parle la saga ?
Avec plus ou moins de différences, la saga suit Rick Deckard, un Blade Runner, c’est à dire un chasseur d’androïdes illégaux à travers une ville futuriste. Elle l’accompagne dans son questionnement sur le fondement de l’humanité et sur sa propre identité… Sa suite fait intervenir K, un autre Blade Runner qui démêle les derniers secrets entourant les androïdes se questionne de manière identique à Deckard qu’il rencontre et qui clôt son histoire débutée 35 ans auparavant…

La couverture du livre « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques? »

Tout commence par un livre…

Avant d’acquérir son statut d’œuvre mythique, Blade Runner était « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? ». Un ouvrage écrit par l’auteur américain Philip K. Dick en 1966. Œuvre majeure de son auteur, mort quelques semaines avant la sortie de l’adaptation cinématographique par Ridley Scott de son ouvrage, « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » marque le début d’une saga majeure de la science-fiction. Majeure, vraiment ? Et bien oui, majeure, sous tous ses aspects.

Le livre, tout d’abord est un récit que l’on peut considérer comme à part. Non pas dans la bibliographie de Dick, emplie d’œuvres du même acabit, mais dans le paysage de la science-fiction. Il présente de nombreux niveaux de lecture plus passionnants les uns que les autres. On y suit tantôt Deckard, le chasseur d’androïdes de San Francisco traquer des fugitifs, tantôt ce même personnage se questionner sur le fondement de son humanité. On y croise Rachael, une androïde étonnement humaine, l’ami Buster, un présentateur de télévision parfait ou le mercerisme, une nouvelle religion transmise par l’étrange boite à empathie…

La philosophie Dickienne

Les concepts du livre sont toujours vifs un demi-siècle plus tard et confinent à la métaphysique de science-fiction. Il est fondateur de la philosophie Dickienne, présente dans nombre de ses ouvrages. « Que signifie le fait d’être humain ? », est une interrogation omniprésente dans l’esprit de Deckard qui se perd peu à peu dans ces considérations et qui finit par amener une autre interrogation fondatrice des œuvres de Dick : « Qu’est-ce que le réel ? ». Le Maître du haut château, Souvenirs à vendre ou encore Le temps désarticulé, d’autres œuvres de l’auteur elles-aussi adaptées au cinéma, en sont des exemples flagrants.

Mais la force de Dick, c’est aussi et surtout sa manière d’amener le lecteur à ce raisonnement à travers un récit fort et des personnages pour qui on finit par avoir de la peine tant ils sont différents de nous. Et cette empathie de la différence est un thème récurrent lui-aussi dans « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?».

Un récit fort et des adaptations complémentaires

Ne nous y trompez pourtant pas, « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? » n’est pas un essai philosophique. Loin de là. Il présente une galerie de personnages forts et qui, malgré leur apparente froideur, ne laissent pas indifférents. Rick Deckard, le personnage principal de l’œuvre donne à lui seul à voir l’instantané d’une société transfigurée par une guerre dont on ne sait presque rien. Une humanité qui a majoritairement fui la Terre et dont l’ambition est maintenant d’acquérir personnellement un animal. Un véritable animal. Pas un électrique. Un concept fort et la quête de tout un ouvrage pour son héros. Puis viennent les androïdes. Rachael par exemple et les autres Nexus 6 qui présentent étonnamment plus de sentiments que les humains qui les entourent.

« Si seulement lui-même possédait un cheval… N’importe quel animal en fait. Posséder un ersatz, s’en occuper comme s’il s’était agi d’un être vivant avait quelque chose de démoralisant en soi…

les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?

Mais ce qui frappe dans « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?», c’est sa conception du vide. De l’efficacité. Dans le livre, tout est vide. Les rues, les appartements : tout. La Terre a été dépeuplée et seuls subsistent à sa surface les « spéciaux », ces humains trop touchés par les radiations, et les policiers qui maintiennent l’ordre. La noirceur et le terne sont omniprésents. Ils emplissent le cadre vide posé par Dick, comme de vieux amis dont l’auteur ne se sépare que rarement. C’est là qu’interviennent les adaptations. Nous sommes en 1982 et sort Blade Runner de Ridley Scott.

La jaquette de l’édition final cut de Blade Runner
La bande annonce du final cut

D’adaptation en interprétation

Blade Runner, c’est le nom de l’adaptation cinématographique du livre « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?». Un métrage sorti en 1982 dans sa première version. Réalisé par Ridley Scott, il met en scène Harrison Ford, Rutger Hauer, Sean Young, M. Emmet Young, Edward James Olmos ou encore Daryl Hannah. Boudé par les critiques américaines à sa sortie après plusieurs modifications (dont la fin du film) par les producteurs, le film rencontre un certain succès commercial et critique à travers le monde.

Mais la véritable postérité, le film l’obtient à partir de 1992 avec sa version Director’s cut puis en 2007 avec son Ultimate cut qui représente plus franchement la vision de Scott. Non édulcorées, ces versions donnent à voir le film sous un tout autre jour en plus de précieuses minutes supplémentaires de film. Deckard serait-il un androïde qui s’ignore ? C’est cette interrogation en filigrane qui offre un sens nouveau au métrage et à sa profondeur. Pour le reste, le film s’inspire dans les grandes lignes du matériau original. Mais plus qu’une simple adaptation, Blade Runner est une interprétation de l’univers proposé par Dick. Tant et si bien qu’il le complète comme la version visuelle d’un conte oral.

Les larmes dans la pluie

Mais parlons du film plus franchement car il vaut, lui aussi, un large détour. Portée par une ambiance sombre confinant au cyberpunk qui influencera plus tard l’esthétique de nombreuses œuvres (Ghost in the shell, Le cinquième élément, Dark City…), le film nous plonge dans la ville de Los Angeles en 2019. Il s’agit là de l’une des nombreuses différences entre le film et le livre original. Mais ces dernières restent à la marge et s’il semble parfois trahir la forme de l’ouvrage, le métrage n’en trahit jamais le fond.

« J’ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l’épaule d’Orion. J’ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l’ombre de la porte de Tannhäuser. Tous ces moments se perdront dans l’oubli… comme… les larmes… dans la pluie. Il est temps de mourir »

Roy batty – RUTGER HAUER – blade runner

Nous assistons toujours à la poursuite par Deckard d’androïdes illégaux à travers une ville futuriste. Mais ces derniers s’avèrent bien plus perfectionnés que dans l’ouvrage et donnent du fil à retordre au Blade Runner. Ils offrent aussi de rares moments de poésie, comme notamment le monologue servi par Rutger Hauer et son personnage, le puissant Roy Batty. Un moment entouré d’une aura que seuls les grands films possèdent. Ce dernier aurait en partie été écrit ou improvisé par l’acteur et ne faisait pas partie du script original. Un moment entré dans la légende. Entre son esthétique futuriste fantasmée par Ridley Scott, son ambiance noire, son histoire hypnotique et la bande son de Vangelis, le film délivre des instants de grâce entremêlés à de très bonnes scènes d’action. Un classique absolu du genre.

Les 5 différences :

– L’histoire se passe en 2019 au lieu de 1992, propulsant le lecteur plus loin dans le temps que l’ouvrage. Ceci pouvant expliquer le parti pris cyberpunk de Scott.
– Le film a lieu à Los Angeles au lieu de San Francisco.
– La quête fondamentale des animaux réels du livre est absente du métrage, remplacée par des « animaux totems » auxquels sont associés chaque personnage.
– Deckard est à la retraite dans le film alors qu’il est toujours en service actif dans le livre.
– Les Réplicants de Blade Runner sont infiniment plus perfectionnés que les Andros du livre et il faut des questions bien plus nombreuses et précises pour les différencier des humains.
Bonus : Rachel et Pris sont incarnées par deux actrices différentes dans le film alors qu’elles sont supposées se ressembler comme deux gouttes d’eau dans le livre original.

Deux classiques et après ?

Il n’est pas aisé d’adapter des livres du genre de ceux de Dick. Les descriptions laissent une large place à l’imaginaire et le propos est déjà particulièrement profond. Il peut être difficile de s’y frotter sans tomber dans des écueils de facilité ou de complexité. Mais avec Blade Runner, le pari est réussi. Ceci fait, il fallait bien faire vivre cet univers. Oui mais où et comment ? Les années 80 ont deux réponses à ces questions : comics et jeux vidéos !

En 1982, l’année même de sortie du film, Marvel sort A Marvel Comics Super Special: Blade Runner. Un numéro spécial dans lequel le lecteur plonge à nouveau dans l’univers futuriste du film et entrevoit la suite des aventures de Deckard. Le comics ne passe pas franchement à la postérité mais continue à faire vivre Blade Runner, participant à son statut d’œuvre classiques.

Prolongement par le jeu

Passons maintenant à 1985, puis à 1997, les années de sortie des deux adaptations vidéoludiques de Blade Runner. La première, sortie sur Commodore est relativement passable. Malheureusement, comme une partie des adaptations de ces années-là et elle ne présente que peu d’intérêt. Pour celle de 1997 par contre, c’est une autre histoire. Développé par le studio Westwood (à qui l’on doit notamment Command and Conquer, le Roi Lion ou the Eye of the Beholder), le jeu nous plonge dans l’histoire de Ray McCoy, un Blade Runner novice. On y croise nombre de personnages du film comme Rachel ou Eldon Tyrell.

Mais ce qui fait aussi le charme de ce jeu vidéo, c’est son retour aux sources. En effet, on doit y enquêter sur un massacre perpétré dans une animalerie. Un retour aux premières thématiques du livre appréciable et qui offre à voir un univers complet et profond qui permet d’aller bien au-delà de la vision du film ou du livre. Pour le reste, le jeu tenait sur quatre cd-roms (c’était beaucoup pour l’époque) et, pour un point and click somme toute assez classique et dirigiste, il n’en était pas moins sympathique à jouer.

La jaquette de Blade Runner 2049
La bande annonce de Blade Runner 2049

La suite, la suite !

Outre de nombreuses influences et incursions dans la culture populaire, « Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?» a eu droit à une suite. Plus précisément, il s’agit d’une suite du film Blade Runner, intitulée Blade Runner 2049. Réalisé par Denis Villeneuve d’après un scénario co-écrit par Ridley Scott, le film, sorti en 2017, met en scène K, un Blade Runner réplicant incarné par Ryan Gosling qui mène l’enquête pour découvrir les secrets enfouis par Nyander Wallace, Tyrell et Rick Deckard. Des secrets qui pourraient bien mener à une guerre civile entre humains et réplicants.

Le film est indéniablement une réussite (malgré un relatif échec commercial) et, s’il n’offre pas les instants de magie de son aîné, il apporte une suite cohérente à son histoire en introduisant de nouveaux concepts étonnants mais en accord avec la philosophie des matériaux originaux. Il boucle la boucle de l’histoire de Deckard et montre un futur toujours plus sombre dans lequel les différences entre humains et androïdes s’accentuent et s’amenuisent en même temps. Un ajout appréciable et un film à voir, seul ou à la suite de son aîné.

Au final ça se regarde ?

En résumé, la « saga des androïdes » portée par des films et un livre exceptionnels a bien mérité son statut de classique du genre. Une saga qui s’étale sur plus d’un demi-siècle et qui a influencé bon nombre d’œuvres sur son passage. Une postérité acquise pour un univers sans fausses notes qui compte parmi les meilleures adaptations un jour portées sur grand écran.

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